Pourquoi la mise au point rapide d’un vaccin contre la COVID-19 est possible ?
Par le Pr Jean Daniel Lelievre, chef du service des maladies infectieuses de l’hôpital Henri-Mondor, AP-HP.
Plusieurs facteurs permettent d’expliquer la mise au point rapide d’un vaccin contre le SARS CoV-2. Certains de ces facteurs sont de nature technologique d’autres sont liés au fait que ce virus n’est pas complètement inconnu et appartient à une famille de virus déjà connue infectant l’homme.
Les connaissances rapidement acquises depuis le début de la pandémie de COVID 19 mais également celles accumulées depuis des années sur les infections par les autres coronavirus permettent de mieux comprendre les choix des différents candidats vaccins SARS – COV-2 en cours de développement.
Dans cette rubrique qui se déroulera sous la forme de plusieurs épisodes nous essayerons de vous expliquer les différents paramètres qui nous permettent de définir les candidats vaccins.
Dans un premier temps nous nous attacherons à redéfinir ce qu’est le Sars-Cov2, les capacités de mutations de ce virus et l’impact potentiel de celles-ci.
Prérequis : Qu’est-ce qu’une réaction immunitaire ?
Lors d’une infection par un virus, une bactérie, un parasite ou un champignon le corps humain met en place plusieurs systèmes de réponse pour se défendre, cela s’appelle la réponse immunitaire.
Lors d’une infection par un virus on distingue schématiquement deux réponses immunitaires :
- Fabrication d’anticorps dont l’action va être essentiellement de bloquer la pénétration du virus dans la cellule, et donc l’infection de la cellule.
- La présence de lymphocyte T CD8+ qui vont détruire des cellules infectées.
Qu’est-ce que le Sars-cov2 et quels sont ses capacités de mutations ?
Le SARS-CoV-2 (Severe Acute Respiratory Syndrome-related CoronaVirus-2) appartient à la famille des Coronaviridae. Il existe six autres coronavirus susceptibles d’infecter l’Homme : SARS-CoV-1, MERS-CoV, HKU1, OC43, NL63 et 229E. Si les 4 derniers sont responsables d’affections banales, le SARS-CoV-1 et le MERS-CoV, peuvent être à l’origine d’infections avec manifestations pulmonaires sévères responsables de décès.
Le SARS-CoV-2 est un virus dit enveloppé. C’est-à-dire qu’il est enveloppé dans une membrane constituée de lipides et de protéines virales. Une des protéines présente sur l’enveloppe appelée protéine spike est particulièrement importante. Cette protéine peut se lier à un récepteur (ACE 2) présent sur de nombreuses cellules de notre corps et ainsi pénétrer et infecter nos cellules. On comprend dès lors que les anticorps dirigés contre cette protéine sont déterminants dans la protection contre l’infection puisqu’ils empêchent le virus d’infecter les cellules cibles.
A l’intérieur de l’enveloppe se trouve l’ARN du Sars-Cov-2. L’ARN contient le génome du virus c’est-à-dire toutes les informations génétiques permettant le développement, le fonctionnement et la reproduction du virus. La première description de l’ARN du SARS-CoV-2 remonte à janvier 2020. En septembre c’est plus de 100.000 séquences du génome de ce virus qui étaient disponibles. Que nous apprend l’étude de celles-ci ? L’ARN du SARS-CoV2, est susceptible de se modifier lorsqu’il se réplique. Mais cette capacité à se modifier, est toutefois très inférieure à celle observée pour le virus VIH ou celui de la grippe. Les mutations du génome du SARS-coV2 ont donné naissance depuis l’épidémie à 7 différentes familles (clades) de virus V, L, S, G (scindée en GR et GH) et O. Notamment, la clade G porte sur une mutation d’une partie du génome codant pour la protéine spike.
Quelles sont les conséquences de cette mutation ?
Il faut comprendre que pour qu’un virus porteur d’une mutation persiste il faut que celle-ci apporte un avantage au virus. Ainsi la mutation au sein de la protéine spike améliore la fixation de celle-ci au récepteur ACE-2. Mieux fixée celle-ci peut alors mieux pénétrer et mieux se répliquer. Ce qui explique que cette famille de virus soit devenue majoritaire en France et représente 87% des Sars-cov2 étudiés.
Très récemment les scientifiques danois ont alerté le gouvernement sur la circulation d’une nouvelle famille de SARS-CoV-2 transmise du vison à l’Homme (12 cas décrits). Peu de données concernant les caractéristiques de cette souche sont disponibles mais il semble qu’elle soit moins sensible à la neutralisation par les anticorps en laboratoire. Si ceci est confirmé cela poserait évidemment des questionnements sur la nécessité d’étendre la diversité en termes d’origine des souches, et des antigènes présents dans les futurs vaccins.