Interchangeabilité des vaccins ARNm en primo-vaccination : résultats de l’essai CombiARN
Depuis le début de la crise sanitaire, plus de 7 milliards de doses de vaccin ont été administrées à travers le monde. Parmi les vaccins les plus utilisés, ceux à base d’ARNm ont pris une place particulièrement importante dans la campagne de vaccination française.
Une couverture vaccinale homologue
Deux vaccins ARNm ont été utilisés en France : le vaccin BNT162b2 (COMIRNATY®) développé par Pfizer/BioNTech et le vaccin ARNm-1273 (SPIKEVAX®) par Moderna.
Conformément aux autorisations d’utilisation de ces vaccins, il a été recommandé que les deux doses vaccinales nécessaires en primo vaccin soient homologues, c’est-à-dire réalisées avec le même vaccin. Pourtant la vaccination serait facilitée par l’interchangeabilité de ces vaccins développés indépendamment mais basés sur des technologies similaires.
L’essai CombiARN
Fin Mai 2021 commençait l’essai académique CombiARN, promu par l’APHP et financé par le le Ministère des Solidarités et de la Santé , avec pour objectif de démontrer l’interchangeabilité des vaccins ARNm en primo vaccination. Le but était de montrer qu’un schéma vaccinal hétérologue, avec des vaccins ARNm différents, n’est pas inférieur à un schéma vaccinal homologue standard, avec deux doses du même vaccin ARNm.
414 personnes de plus de 18 ans ayant déjà reçu une dose du vaccin Pfizer/BioNtech ou Moderna ont participé à l’étude, dans 17 sites en France. Elles étaient réparties au hasard (randomisées) en 4 groupes comparables. Le premier groupe recevait une double vaccination homologue avec le vaccin Pfizer, le second, une double vaccination homologue avec le vaccin Moderna, tandis que les deux derniers groupes recevaient une double vaccination hétérologue, en commençant soit par le vaccin Pfizer, soit par celui de Moderna.
Les anticorps contre le virus SARS-CoV-2 ont ensuite été mesurés 28 jours après la seconde dose dans chacun des groupes.
Interchangeabilité des vaccins ARNm
Les résultats de l’essai montrent que les vaccins ARNm peuvent être administrés indifféremment en toute sécurité pour la primo-vaccination COVID-19, sans craindre une efficacité immunologique réduite. Toutefois, une 2nde dose du vaccin Moderna permet une réponse un peu plus forte – quel que soit le vaccin utilisé en 1ere dose – que le vaccin Pfizer – la aussi quel que soit le vaccin administré en 1ere dose.
Ainsi, 28 jours après la 2ème injection, la production d’anticorps IgG, dirigés contre la protéine Spike du coronavirus, atteignent des niveau suffisants quelle que soit la séquence de vaccins ARNm administrés.
Les concentrations en anticorps neutralisants contre la souche originale du SARS-CoV-2 sont également sensiblement plus élevées lorsque la vaccination inclut le vaccin Moderna en seconde injection. Par ailleurs, la première dose par le vaccin Moderna provoque une production plus importante d’anticorps dirigé contre le coronavirus que le vaccin de Pfizer. Cette tendance se confirme à la seconde dose.
Globalement, la tolérance reste bonne quelle que soit la séquence vaccinale et aucun effet indésirable grave n’a été rapporté. Cependant, le vaccin de Moderna semble légèrement plus réactogène que le vaccin Pfizer lorsqu’il est administré en 2ème dose, provoquant plus de réactions locales au site d’injection et de symptômes généraux. Ainsi, si 100% des personnes vaccinées se plaignent d’une douleur au site de l’injection, des œdèmes locaux (17,8% contre 8,6%) et des érythèmes (21,1% contre 4,3%) apparaissent chez plus de personnes ayant reçu 2 doses du vaccin Moderna que chez celles d’abord vaccinées par Moderna suivi de Pfizer.
Ces différences immunologiques et d’effets secondaires pourraient être liées à la quantité d’ARNm injecté à chaque dose qui est plus élevée pour le vaccin de Moderna (100 µg) que celui de Pfizer (30 µg).
Des répercussions sur les campagnes vaccinales ?
Cette publication scientifique concerne la réponse vaccinale 1 mois après la 2nde dose de primo-vaccination, mais les chercheurs travaillent déjà sur les données récoltées 6 mois après la vaccination qui permettront d’avoir une meilleure idée de la réponse vaccinale à plus long terme, et l’essai d’une durée initiale de 6 mois a été étendu à 6 mois supplémentaires.
Ces résultats, maintenant validés par des pairs, avaient été partagés dès cet automne avec le Conseil d’Orientation Vaccinal, parallèlement à la campagne de rappel. La 3ème dose de rappel n’était pas l’objet de cet essai, cependant ces résultats ont conforté la stratégie de la France d’effectuer un rappel indifféremment avec les vaccins Moderna et Pfizer.
L’intensification des programmes de vaccination dans les pays encore sous-vaccinés pourrait par ailleurs être facilité par l’interchangeabilité des vaccins.